Le pouvoir des paroles
Jadis, dans un pays lointain, une conteuse peu prudente dans ses paroles fut condamnée à être pendue pour outrage envers les autorités. Comme ultime faveur, elle demanda à être pendue par les mains plutôt que par le cou, ce qui lui fut accordé : cela durerait bien plus longtemps avant que la mort ne survienne mais qui était pressé ?
La conteuse, les mains liées par une corde attachée à une grosse branche fut abandonnée à son triste sort. Dès qu’elle s’est trouvée seule, elle a commencé à raconter son plus beau conte. Elle a raconté pour les oiseaux qui sont venus se percher sur l’arbre, elle a raconté pour les souris qui ont pointé leur nez hors de leur trou, elle a raconté pour les fourmis qui sont arrivées de partout pour l’écouter. Elle a raconté l’histoire jusqu’au bout sans plus sentir la douleur dans ses membres et la soif dans sa gorge ; quand elle a terminé, les oiseaux ont fait un matelas de plumes à ses pieds, les souris ont rongé les cordes qui liaient ses bras et la conteuse s’est laissée tomber sur les plumes qui ont amorti sa chute. Les fourmis lui ont montré le chemin et elle est partie vers son destin, songeant que, si les paroles peuvent faire perdre la vie, elles peuvent aussi la sauver.